Découvrez la première partie de l’interview réalisée avec le groupe Massacra à l’occasion de la réédition de tous leurs albums ! Une longue interview exclusive à découvrir sur le Blog.
- Salut Jean-Marc. L’histoire de MASSACRA est née de l’amitié d’enfance entre toi, Fred et Pascal. Evidemment vous avez tous été bercé par les classiques du hard rock et les débuts du Thrash et du Death métal comme bon nombre de vos contemporains. Mais qu’est-ce qui vous a poussé à monter un groupe avec, dès le départ l’idée d’en faire une priorité, un point central dans vos vies ? Comment s’est passé l’intégration d’un batteur, extérieur à votre cercle, et surtout compétent pour ce style encore peu courant en France en 1987 ?
L’envie de monter un groupe s’est fait naturellement je dirais. Nous rêvions de créer quelque chose ensemble depuis qu’on était gamin et notre passion commune de la musique à facilité les choses en ce sens. Pour ce qui est de la priorité, je pense qu’à la passion pour la zique de départ s’est rapidement ajouté un exutoire puis un moyen de s’en sortir tout simplement. Pour s’en sortir il fallait faire les choses bien et pour faire les choses bien il fallait y aller à fond et prendre des risques. C’est à dire mettre toutes les chances de notre côté en s’y consacrant à 200%. Après tout quand tu fais des études , tu y passes 100% de ton temps, monter un groupe qui devait être notre avenir passait par une implication totale. On laissait tomber l’école et tout le reste pour ne faire que répéter à la place. Au début il n’y a pas eu d’intégration de batteur , nous étions trois potes sur la même longueur d’ondes extrême et massacra était un power trio. Il ne pouvait en être autrement. Avec le temps en progressant, on s’est rendu compte qu’un « vrai » batteur » pourrait ajouter un petit plus finalement
On en a rencontré plusieurs, mais on ne faisait pas passé d’audition, le côté humain suffisait c’ était à notre stade bien plus important que le niveau technique.
On est finalement tombé sur le bon batteur à la deuxième démo , un mec encore plus bourrin que nous , sur la même longueur d’onde, sans véritable attache, prêt à s’investir dans le groupe et finalement techniquement au top .
- Venant d’Argenteuil (banlieue parisienne) où la vie peut facilement être morose et les perspectives d’avenir difficile à entrevoir, il apparaît que votre rencontre avec un autre groupe du coin, MORSÜRE a eu un impact sur votre approche de la musique. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Dans quelle mesure MORSÜRE vous a fait voir au-delà de la brutalité et de la rapidité d’un SLAYER ou d’un METALLICA ? Penses-tu que dans MASSACRA vous auriez limité le groupe à un exutoire, un hobby, si vous aviez poursuivi vos études ?Non nous n’aurions jamais créé un groupe pour uniquement se changer les idées le week-end, ce n’est pas ainsi que nous voyions les choses. Le groupe du dimanche c’était pas notre truc. Nous n’avions pas besoin d’un passe temps. mais plutôt d’une perspective d’avenir en rapport avec notre passion. Si nous avions continué nos études, nous n’aurions fait que ca mais voilà ce qui nous branchait c’était de jouer. Si j’avais voulu devenir médecin ou chauffeur de bus j’aurais essayé de faire ce qu’il fallait pour y arriver. Alors pour la musique c’est la même chose. Je pense que c’est très important d’aller au bout de sa passion, ne rien lâcher et surtout n’avoir aucun regret. On savait que cela allait être compliqué, mais ca valait le coup d’essayer et pour ca il fallait se donner les moyens, faire quelques sacrifices etcPour ce qui est de Morsüre, nous partagions le même local de répète. Ils répétaient le soir après les cours à la fac et nous du matin au soir jusqu’à ce qu’ils arrivent . après on restait pour les regarder jouer, ils étaient techniquement à des années lumières de nous pauvres bourrins que nous étions. Ils avaient une longueur d’avance sur tous les groupes Français de l’époque, on est en 1984 et ils sont en train de faire du Thrash Death comme personne, ils allaient très vite et maîtrisaient surtout très bien. Jouer vite c’est une chose, maîtriser s’en est une autre. Ils nous ont appris à jouer propre et régulier. on s’est mis à travailler au clic ou du métronome tous les jours. Ils appréciaient notre intégrisme et nous leur maîtrise . Nous avons progressé à une vitesse folle grâce à eux. Pour Morsüre la zique n était qu’un hobby justement une façon de déstresser après les cours à la FAC, pas un mode de vie et surement pas un future. Quel gâchis nous pensions ! Mais c’était leur choix, ils ne se voyaient pas évoluer professionnellement dans le monde de la musique, ils avaient d’autres aspirations dans la vie et puis voilà. On a connu beaucoup de groupes qui en revanche auraient bien aimé y arriver mais qui pensaient que cela était irréalisable. Ces mecs étaient résignés à bosser comme des cons toute leur vie dans quelque chose qui ne les branchait même pas juste parce qu’il leur semblait inaccessible de pouvoir vivre de la musique.
- C’est là qu’on voit le côté particulier de MASSACRA. Certes la première démo « legion of torture » a ce côté approximatif, cru et bancal. Et l’influence de KREATOR et de la vague allemande du thrash crade et rentre dedans est présente. Mais vous vous étiez formés depuis peu et aviez déjà instauré un rythme de travail impressionnant. Vous plaquez le bahut et répétez quasi tous les jours de la semaine. Pas de défonce, pas d’alcool, pas de copines. Cette détermination adolescente confine à l’ascétisme ! Mais c’est en même temps ce qui vous a servi de moteur. Comment tout ça se décide, se met en place ? Avec le recul que penses-tu de tout ça ? Jusqu’à quel ce radicalisme vous a aidé ? Ca a dû être le clash avec vos parents, non ? La motivation est un moteur, mais ca ne fait pas tout, nous avions surtout très très faim, c’est essentiel, pour faire la différence avec les autres formations (il ne faut pas oublier qu’il ya beaucoup de prétendants et peu d’élu), surtout pour émerger d’un pays complètement à la rue dans le domaine musical comme la France. Nous le savions il était plus facile d’être un groupe sud américain que français. Français c’est ce qui pouvait y avoir de pire pour nous.Comme je te l’ai dit cela c’est fait naturellement, nous avions une passion et nous avions envie d’en vivre. Nous y sommes arrivés. Peu de groupe français de l’époque y sont parvenus, pas mal en rêvaient, mais quand d’autres groupes se faisaient une soirée avec leur copines, nous on répétait, on composait, on écrivait des textes. On savait qu’un jour on pourrait aussi s’amuser et avoir du fun. On en a eu un peu plus tard, quand on a commencé à vendre des disques et tourner. Les mecs qu’on connaissaient à l’époque devaient – eux – se lever le matin pour aller à l’usine. Comment veux-tu picoler et t’envoyer des joints et réussir dans la musique quand tu es un groupe de banlieue et que tu vis dans un pays qui ressemble à une enclave ? Ce que tu appelles du radicalisme n’est autre que de la rigueur, un mot qui n’a jamais été à la mode en France malheureusement et encore plus dans le milieu de la musique où beaucoup de musiciens ont tendance à mettre la charrue avant les boeufs en pensant qu’avec trois concerts dans une MJC ils vont acquérir un niveau international.Je ne suis pas trop d’accord avec le terme d’ascétisme, l’ascétisme, c’est quand on ne fait plus rien, nous c’était l’inverse. On bossait comme des tarés mais on aimait ca, le groupe nous prenait tout notre temps y compris celui des loisirs à côté, c’était le prix à payer. Ca a fini par payer, une fois le groupe en place je pense qu’on a du faire la fête, picoler et fumer plus que la moyenne crois-moi. Mais avant on a bossé pour ca. Quant à nos parents , Je me rappelle qu’ils ont flippé au début, mais ca n’a jamais été le clash parce qu’ils ont vite compris et intégré le fait que la musique était bien plus qu’un hobby pour nous et que nous irions jusqu’au bout. La meilleure façon d’y arriver était de larguer les amarres et de s’y consacrer à 100%. Nous étions sans filet, beaucoup nous disait « mais qu’est ce que vous allez devenir si la musique ne marche pas » « la musique c’est pas un métier » etcMais de toute façon qu’est ce qu’on serait devenu si on avait été obligé de faire un taf à la con, un boulot alimentaire en attendant comme beaucoup les week-end pour jouer …ca a été beaucoup de pression, d’ailleurs notre premier batteur ne l’a pas supporté et a fini par rejoindre une secte en Amérique du sud …
- Cette hargne, cette détermination vont vous pousser à vous bouger le cul, en devenant actifs dans le milieu du tape-trading. Dès la période de « legion of torture » vous enchaînez les concerts. Souvent par groupes de 2 ou 3, mais vous jouez en Suisse, Benelux, Allemagne, outre la France. Mais surtout, à partir de «final holocaust », vous jouez au Québec et en Pologne ! Quels souvenirs gardes-tu de ces deux pays ? L’accueil a dû être impressionnant.Jouer à l’étranger est essentiel pour progresser, devenir une star locale ne mène pas à grand chose. Nous avons en effet joué au Canada, au Etats Unis dans pas mal de pays d’Europe et en France aussi, cela même avant d’être signé. Ca n’a pas été facile au début car nous n’avions pas le niveau, mais on était là pour apprendre. Au Québec … je vais être honnête avec toi, ca n’a pas été facile. D’une part parce que nous n’avions pas les conditions pour effectuer une bonne prestation et d’autre part parce que le public outre atlantique était plus exigeant, le niveau des groupes locaux à l’époque était bien supérieur à celui des groupes Européen, je te dis pas français … donc je ne vais te dire que le public est tombé à genoux devant nous. cependant nous avions une forme d’agressivité et de violence qui surpassait celle de la plupart des groupes, cela a interpelé le public là-bas. La technique, ca s’apprend. l’authenticité, tu l’as ou tu l’as pas.En Pologne, nous sommes partis en train … de Paris, nous avons fait plusieurs dates là-bas et l’accueil y a été à chaque fois mortel. Nous jouions devant 5000 personnes, ce qui ne nous était jamais arrivé avant. Faut dire qu’il y a 25 ans, peu de groupe allait jouer à L’Est, le public là bas n’avait pas l’habitude et devenait rapidement fou hystérique, nous aussi d’ailleurs.
- Vous avez du mal à vous identifier à la scène française (heavy et thrash/death) de votre époque. Vous visez plus loin et vous le faites bien sentir. En gros, si les français vous détestent, il est probable qu’on vous apprécie plus à l’étranger ! Nul n’est prophète en son pays en quelque sorte. Vous cultiviez un côté très casanier finalement, plutôt rester entre vous à bosser que faire un concours de popularité avec les groupes français plus en vue de l’époque (AGRESSOR, LOUDBLAST, DEATH POWER, MUTILATED, etc). La presse française n’est pas tendre avec vous, mais votre tête est ailleurs…C’est le moins que l’on puisse dire … nous étions des ovnis, nous refusions de rentrer dans le moule et de faire comme tous les groupes français de l’époque et même ceux qui existaient avant nous également. Nous rejetions l’état d’esprit de cette scène franchouillarde bidon qui d’ailleurs n’avait jamais fait ses preuves et qui ne représentait pour nous qu’un ramassis de loosers. On s’en branlait de jouer pour impressionner nos copines, d’ailleurs on n’en avait pas !Alors c’est sur, les médias n’étaient pas de notre côté, mais les français ne nous détestent pas, au contraire même. Nous adorions jouer en France et nous adorions le public français. Nous refusions juste d’adhérer aux principes de la scène de l’époque qui n’acceptait pas le fait que nous cherchions à jouer à l’étranger et se faire connaître dans d’autres pays. Certains medias nous reprochaient même de chanter en anglais, on croyait rêver. Il n’y avait aucune structure en France à l’époque, personne n’avait rien à proposer et il aurait fallu qu’on reste comme des glands à ne rien faire. Beaucoup de groupes de l’époque attendaient le miracle, ils croyaient qu’un jour une maison de disque étrangère allait les contacter en leur proposant un contrat mirobolant.. . Cela n’est jamais arrivé, pour aucun d’entre eux . Ils croyaient au père noël et nous reprochaient en même temps de ne pas y croire. Nous avions parfois essayer d’aborder le sujet avec des groupes, des magazines, des maisons de disques en France en essayant de leur expliquer qu’il n’y a rien de choquant à vouloir signer avec une maison de disques étrangère, que c’est ce que font la plupart des groupes étrangers d’ailleurs. Comment un groupe suédois pourrait survive en ne jouant qu’en Suède par exemple ?Mais voilà on a vite compris que le système n’étaient pas prêt de changer en France, qu’il valait mieux faire ce qu’il nous semblait être juste sans se soucier de ce qu’une partie de la scène Metal bien pensante pouvait dire ou penser.
- En parlant de bosser dans votre coin, vous n’avez pas chômé, puisque vous sortez une démo par an : « legion of torture » 1987, « final holocaust » 1988, « nearer from death » 1989. Peux-tu me dire comment tu as ressenti la sortie et la réception de chaque démo à l’époque, et aussi comment tu les considères aujourd’hui ? Comment avez-vous procédé pour les enregistrements ? Peu de studios sont familiers avec un style de métal aussi extrême à cette époque, même en région parisienne. Qu’a retiré le groupe de ces différentes expériences en studio ?
C’était pour nous un évènement à chaque démo , on présentait qu’avec la 3ème démo on se ferait signer également. En ce qui concerne les studios ce n’était pas simple car comme tu l’as dit peu avaient de l’expérience avec ce genre de musique. Là aussi il y avait un décalage énorme entre ce qu’il se faisait à l’étranger et les ingés sons en France. Un studio reste un studio mais les mecs aux manettes en France ne concevaient pas qu’on puisse mettre en avant les guitares, qu’il fallait avoir un mur de grattes, que la basse ne sert à rien et que le chant devait être en retrait. Les mecs ne sont pas plus cons en France qu’ailleurs, mais il y a un manque d’ouverture d’esprit flagrant, un manque de curiosité aussi. En France on reste sur une approche très « variété » de la musique, on cultive ce côté ringard jusqu’à en être fiers. Je me souviens que pour les parties de guitares rythmique je n’avais mis que les quatre premières cordes sur ma gratte, j’avais dit à l’ingénieur que je ne voyais pas pourquoi j’allais rajouter deux autres cordes (le si et le mi) qui ne servaient pas. et le gars m’avait répondu que pour une question d’étique’ de la guitare ont ne pouvait pas faire cela …
Voilà où nous en étions en France … Mais le pire c’est que quand on le disait à la presse pour qu’elle en parle, qu’elle fasse avancer les choses et donc d’une certaine manière ouvre les yeux de beaucoup de musiciens, on nous disait qu’on avait pas le droit non plus de critiquer le système, qu’il ne fallait pas dire du mal de nos ingénieurs du son, qu’on dévalorisait l’image de marque de la France … Ces mecs là étaient pourtant journalistes dans la presse Metal ou dans des maisons de disques , mais ils n’avaient aucun intêret à ce que les choses évoluent
les groupes Français étaient donc condamner à rester dans l’ombres des groupes internationaux, par manque de structure, de moyen, d’un système fiable etc mais il ne fallait rien dire, rien faire et attendre la fin.
- Il est clair que vous évoluez vite entre chaque démo. A tel point que vous vous restreignez presque de ne sortir qu’une démo par an tellement vous composez pendant cette période 87/89. Peu à peu on sent que vous forgez votre propre style, même si l’ombre de SEPULTURA commence à planer sur certains de vos riffs. En parlant de riffs, on peut dire que c’est vraiment la base de MASSACRA : les riffs ultra accrocheurs et infaillibles. N’était-il pas parfois difficile de prendre du recul par rapport à vos compos, puisque vous aviez toujours le nez dedans ? SI je ne m’abuse vous bossiez pas mal par collage de riffs. Comment travailliez-vous pour rendre tout ça cohérent ?Une fois de plus, nous n’avions pas plus le nez dans nos compos que les autres groupes étrangers de l’époque, il n’y a qu’en France qu’on pense qu’on peut y arriver en bossant moins … Nous correspondions avec beaucoup de groupes étrangers à l’époque et tous étaient comme nous, ni plus ni moins: répéter tous les jours n’a rien d’exceptionnel quand on prétend vouloir en vivre. Nous prenions donc le recul nécessaire de façon à se rendre compte au mieux des morceaux. Les morceaux étaient donc structurés autours des riffs, par collage de riffs, tu as dit le mot exacte, mais ca ne marche pas à tous les coups … il y a des riffs que tu peux reprendre plusieurs fois dans le même morceau, d’autres qui prennent tout leur évidence quand il ne sont joués qu’une seule fois dans le morceau. Un riff qui tue, mais qui est volontairement sous-exploité, on aimait bien ce genre de truc.Après tu peux trouver un riff mais qui ne s’intègre pas dans un morceau, tu as beau chercher la solution, rien à faire … c’est juste un bon riff, on en avait beaucoup des comme ca qu’on a fini par mettre de côté. Mais pour résumer je dirai que chez nous, tout partait d’un riff et on construisait autour, à la fin venait se greffer le chant.Ca nous arrivait d’avoir des bons morceaux musicalement parlant, mais inadaptés pour le chant, donc on était obligé de les abandonner également. Ca ne nous intéressait pas de garder des morceaux dont nous n’étions pas totalement convaincus à la base. On se concentrer sur une dizaine de titres maximum qu’on répétait chaque jour Les paroles aussi avaient leur importance, on essayait d’être le plus extrême possible tout en restant un brin cohérant, les paroles du titre Enjoy The Violence ne sont pas tristes dans le genre.
- Plus on avance dans le temps, plus le son des démos s’épaissit, s’assombrit. Même si le côté thrash est toujours présent, on sent que MASSACRA est définitivement un groupe de death metal. Pourtant on retrouve un titre comme « apocalyptic warriors » dans une version embryonnaire sur « nearer from death » comparé à l’album « final holocaust ». Ca sera le cas pour d’autres morceaux de vos démos. Pourquoi reprendre ces morceaux sur l’album alors que vous deviez avoir pas mal de matos encore inédit ?
Je pense que ces titres méritaient d’être sur l’album, et puis peu de gens connaissait nos démos en réalité, elles étaient chacune diffusé à 1000ex grand maximum, ce qui est peu comparé à la diffusion d’un album. comme je te le disais on tournait sur une base de dix douze morceaux. En quelque sorte un nouveau titre chassait un ancien.
Au fil du temps et par la force des choses, on s’est affirmé comme un groupe de Death, mais je dois te dire qu’on ne faisait pas une fixation sur le genre auquel nous devions appartenir. Tout le monde nous disait qu’on jouait du Brutal Death alors on était bien obligé de le croire
- J’ai cru comprendre que vous étiez déjà en pourparlers avec des labels comme Peaceville, Earache, mais apparemment ça ne l’a pas fait avec les Anglais. Finalement c’est le label allemand Shark records qui va vous signer après la sortie de « nearer from death ». Finalement peu de labels semblent s’être montrés intéressés par MASSACRA avant la troisième démo. Arrivé à ce point, auriez-vous sorti une quatrième, puis une éventuelle cinquième démo si aucun label n’avait pointé le bout de son nez ? Vous passez du statut du groupe « do it yourself » au statut de groupe signé. Quelles étaient vos conditions ? Qu’est ce qui a changé concrètement dans votre manière de gérer le groupe. Avez-vous eu des problèmes, des incompréhensions quant à la manière dont un label mène son business ? Avez-vous du faire des compromis ?On ne cherchait pas à être signé avec la première démo, on savait à peine jouer et nous n’avions pas le niveau pour enregistrer un album de toute façon. On était lucide, enregistrer un album dans ces conditions aurait été suicidaire, nous le savions, on aurait été le groupe d’un album et puis bye bye.Avec la seconde démo les choses commençaient à se mettre en place, cette démo nous a servi à tourner, à nous exporter et continuer à progresser. Mais là aussi ca faisait trop juste pour se faire signer, pas le niveau, pas encore les bons morceaux. Il fallait encore répéter, toujours répéter et faire des concerts.La troisième démo a servi clairement à trouver un label, nous avons démarché un peu partout , aux états unis, en Angleterre et bien-sur en Allemagne. Je me rappelle, on est parti avec nos démos faire le tour des labels aux Etats Unis, on s’est fait jeter bien -sur, mais on s’en branlait, nous ne croyons pas au miracle et ce n’allait être pas en envoyant une démo avec une bio qu’on allait dégoter un deal mondial. alors il fallait se bouger le cul et ne pas avoir peur de se prendre des baffes. Ce fut le cas, on nous a clairement dit que jamais un label étranger ne signerait un groupe Français … On avait le niveau mais le fait d’être français était un handicap et surtout comment le surmonter ? On avait vraiment la haine, c’est là que notre vision du marché commencé à s’obscurcir .Je crois qu’inconsciemment on recherchait un label allemand, il s’agit du plus gros marché d’Europe , ils ont une façon rigoureuse de travailler, cela nous correspondait bien et les relations sont de toute façon plus simples à gérer entre français et allemand qu’a avec des américains ou même des anglais. C’est donc finalement avec Shark record que nous avons fait affaire.Je ne me suis jamais posé la question si on aurait fait une quatrième , voir une cinquième démo si aucun label n’était venu à nous, pas sur mais bon … de toute façon on a été signé à la troisième , le fait de signer un contrat n’a rien changé dans notre approche du groupe, tout restait à faire, ce n’était qu’une étape supplémentaire. C’est par la suite à la sortie de l’album que les choses on sensiblement changé, le fait de signer un contrat, mise à part la satisfaction personnelle, ne change pas grand chose. nous n’avons pas eu d’incompréhension particulière avec notre maison de disques, ni elle, ni nous ne savait réellement ce que ce premier album pourrait réellement donner et l’accueil que le public aurait, on avait été signé pour ce qu’on était, ce qu’on faisait et il fallait pas qu’on change , il n’y a pas eu à faire de compromis, au contraire même. Il nous a juste fallu intégrer le fait que nous n’avions plus la maîtrise à 100% du groupe, le label avait donc une part de responsabilité dans la communication et le management du groupe; il fallait qu’on leur fasse confiance, ce qui n’était pas vraiment notre truc, on a appris à faire confiance, à écouter , il a fallu lâcher du leste, c’est cela qui a été le plus dur pour nous. Nous étions à vif , nous étions des punks, des rebelles, on ne connaissait absolument rien au business. Un label n’est pas une banque, il cherche la rentabilité à court terme, la communication n’est pas toujours simple et il faut trouver un point d’équilibre. D’un autre côté un groupe sans label n’est rien !
- Vous avez quand même eu la chance de jouer ou d’être en contact avec l’embryon de la scène death et black métal. Je pense à des groupes comme SAMAEL, THERION, TREBLINKA par exemple. Quel effet ça fait d’avoir fait partie de ce renouveau du métal extrême dans la deuxième moitié des années 80 ? Vous a-t-on pris pour des guignols à l’étranger parce que justement vous veniez de France ? Les choses ont changé avec internet et la médiatisation de cette scène. Mais penses-tu que tant de choses aient vraiment changées depuis? A ton avis, quelle importance revêt le stade des démos pour un groupe?Je dois dire sincèrement que jamais personne ne nous a pris pour des baltringues, ce n’est jamais arrivé, même dans les pires moments, Massacra a toujours été respecté, en France, à l’étranger, partout, c’est comme ça. Nous étions authentique, on respirait la sincérité et le public ne s’y est pas trompé, c’est ce qui a fait la différence avec d’autres formations d’ailleurs. Nous avons fait parti comme d’autres de l’essort de la scène Death metal, sans nous en rendre compte, et je dois te dire qu’on s’en foutait complètement. Nous étions certes en contact avec beaucoup de groupes étrangers mais nous ne nous sentions pas appartenir à un mouvement musical en particulier, surtout pas ! c’est vrai que les choses ont complètement changé aujourd’hui et qu’il faut vivre avec le monde tel qu’il est maintenant. une démo en tant que telle, en tant que support matériel on va dire, ne sert plus à rien aujourd’hui, mais en revanche un groupe reste un groupe et il ne doit pas – et encore moins de nos jours- bruler les étapes. L’époque des démos servaient en réalité à l’époque avant tout aux groupes à se construire, à apprendre, c’était les fondations et ca il faut que ca soit en béton armé.il y a deux sortes de groupes, ceux qui font cela pour se divertir, c’est clairement un hobby, les mecs ont un boulot et n’ont aucune envie de faire du groupe leur métier, ca se respecte complètement et ce sont peut être les plus heureux au final. Et il y a les groupes qui aspirent à devenir pro un jour, pour cela les choses sont différentes: je remarque très régulièrement que beaucoup de groupes essaient de trouver un label une maison de disques le plus vite possible, sans vraiment savoir où ils mettaient les pieds. ils doivent savoir néanmoins que, de nos jours, sortir un premier disque qui ne vend pas , signe la mort commercial du groupe immédiatement. Mieux vaut ne pas se gourer, ni se précipiter sur le sujet donc. Les démos représentaient cette phase essentielle de consolidation du groupe avant de débarquer dans l’arène. De nos jours avec la possibilité de sortir un disque plus facilement, les groupes ont vite fait de zapper cette étape de construction et se retrouvent avec un album en bac qui ne vend rien, soit parce que le groupe n’a pas le niveau, soit parce qu’il a oublié que pour vendre un disque il faut tourner toute l’année et donc être disponible à 200%, soit encore parce qu’il a signé avec un label de merde.On a beau être à l’ère du numérique, si ces trois règles absolues ne sont pas respectées, c’est l’échec assuré.