Oui, on peut considérer que new Noise, existe depuis maintenant presque dix ans, sous différents noms, Velvet, Versus et Noise. Chaque changement de nom correspond à un changement d’éditeur. New Noise devrait être le dernier, puisque depuis fin 2010, nous éditons nous-mêmes le magazine. Nous sommes tombés trois fois sur de pseudos éditeurs/financeurs plus ou moins véreux mais toujours sacrément incapables. L’histoire est assez complexe et rocambolesque… Bref, le point positif reste que durant toutes ces années j‘ai beaucoup appris sur le métier et travaillé avec les gens qu’il fallait, distributeur, imprimeurs, etc., pour pouvoir continuer seul, puisque le magazine, s’il a souvent manqué d’annonceurs, s’est toujours bien vendu. Je me dis aujourd’hui qu’il fallait en passer par tout ça. Au départ, j’étais corédacteur en chef du webzine No Brain No Headache. Notre premier éditeur suivait régulièrement le site et m’a un jour contacté en me demandant de lui monter une équipe rédactionnelle pour un nouveau magazine papier avec bonus DVD dans la veine du Rage des années 90, ma revue musicale de référence à l’époque. Tout a débuté comme ça. Ensuite, je ne sais pas si la ligne éditoriale s’est réellement affinée entre Velvet et new Noise. Les sommaires de new Noise me paraissent évidemment plus cohérents, mais c’est aussi parce qu’ils correspondent bien sûr davantage à mes goûts actuels. Aux tout débuts de Velvet, nous étions un groupe d’amis et chacun traitait des groupes qui l’intéressaient sans se soucier d’une quelconque cohérence éditoriale. Depuis, l’équipe a beaucoup changé : en 2003 nous étions une dizaine, aujourd’hui je compte une quarantaine de collaborateurs réguliers.
2- Novembre 2010 – mars 2013. La forme a beaucoup évolué. Qu’est-ce qui vous pousse à si régulièrement revoir votre approche graphique ? Pourtant il me semble que le fond, la ligne éditoriale qui consiste à lever le voile sur des groupes, des artistes officiant dans des styles pas toujours très représentés dans les médias, reste assez fidèle à lui-même. Y a-t-il des styles musicaux que vous répugnez désormais à couvrir au regard de leur évolution?
Je vais remonter un peu plus loin : en 2003, l’idée était de lancer un magazine sans ligne éditoriale précise ou calculée, mais aussi sans charte graphique, dans la veine de la revue musicale américaine des années 90, Raygun. À chaque article une mise en page propre. Sur le plan graphique, Rage s’en était aussi beaucoup inspiré, mais je ne l’ai su qu’après. Nous nous sommes vite rendu compte que non seulement c’était un boulot énorme, mais que pour que le tout reste lisible, il fallait réduire le nombre de signes par pages (assez important) que nous avions fixé. Nous avons préféré simplifier de plus en plus la maquette, pour cette raison, et pour gagner du temps et unifier un magazine très éclectique dans ses choix éditoriaux. Les changements de ces dernières années ont été beaucoup moins importants il me semble. Disons, que notre graphiste se lasse vite et que sa logique nous échappe souvent. Concernant la ligne éditoriale, je considère aujourd’hui new Noise comme un magazine donnant priorité à des genres tels que l’indie-rock, le post-punk, le noise-rock, le post-rock, le Metal (sludge, death, black, thrash, post-hardcore, drone-metal, metal experimental/hybride), le grunge, le garage, le rock psyché (space-rock, krautrock) mais aussi ouvert vers le hip-hop, l’electro, les musiques expérimentales ou la folk.
Non, nous ne sommes pas le premier magazine français à traiter le Metal « comme un genre musical parmi tant d’autres », Rage le faisait, Best aussi dans une moindre mesure. Mais c’est vrai, une scission s’opère vraiment au niveau du metal, on le constate dans les réactions des lecteurs : « numéro trop Metal », « numéro pas assez Metal », on entend souvent ce genre de commentaires. Notre but est bien évidemment de créer des ponts entre les genres, d’ouvrir les goûts musicaux des lecteurs. Je pensais qu’avec Internet, toutes les petites chapelles allaient se décloisonner, mais c’est loin d’être toujours le cas. Au contraire, grâce au Net les gens peuvent se spécialiser dans tel ou tel sous-genre en cherchant jusqu’au plus petit groupe underground, et cultiver une approche puriste, élitiste (ce que je peux comprendre de la part d’un gamin de 17 ans, moins de celle de gars de 35, 40, voire 45 balais). Aux États-Unis ou en Angleterre, les plus gros webzines indie (Pitchfork, Brooklyn Vegan, The Quietus, etc.) traitent du metal comme des autres genres, sans distinction, ça ne pose pas problème. C’est aussi ce que faisait John Peel, fan de bolt thrower et napalm death comme de The Fall ou Robert Wyatt.
Durant plusieurs années, nous avons beaucoup parlé de tout ce qui était sludge, drone, post-hardcore, etc. ce qui nous a valu une réputation de magazine bourrin. Alors certes, par rapport à Magic, Tsugi, Voxpop, et tout ce qui se fait en presse musicale française non-metal, nous le sommes, mais nous ne sommes pas que ça, ça me semble évident. Ces dernières années, nous nous sommes un peu lassés de ces genres – trop de sorties, souvent médiocres – et certains nous ont reproché de ne plus leur accorder autant de place qu’avant et de nous « popiser ». On en est pourtant très loin…
Je pense que les metalleux nous considèrent souvent comme un magazine pour hipsters, car nous traitons d’indie rock et de certains groupes portés par la « hype » (concept ô combien subjectif ceci-dit) et les indie rockers comme un magazine de beaufs, car nous traitons de metal et de groupes totalement en dehors du cool, ou non jugés de bon goût. Si tu veux être un média musical cool aujourd’hui, il ne faut pas trop s’éloigner de l’axe indie rock-garage-electro (pointue de préférence)-hip-hop-groupes cultes intouchables (Can !), avec un petit topo sur meshuggah ou sunn o))) de temps en temps pour faire méchant (mais intelligent), le tout avec un ton un peu sarcastique. Malheureusement (heureusement), j’ai très mauvais goût, j’aime une tripotée de groupes has-been. Effectivement, nous ne sommes ni cool, ni élitistes, sinon on ne parlerait pas d’Alice In Chains, de Supuration, de six feet under, de Living Colour, etc. Enfin bon, selon sa culture, chaque lecteur verra les choses différemment.
Ce qui nous distingue de la presse Metal actuelle, c’est que nous ne sommes pas un magazine Metal. Et quand nous traitons de groupes Metal, ce ne sont pas forcément les groupes Metal mis en avant ou traités dans la presse Metal. Ce qui nous distingue du reste de la presse rock française, c’est que je n’ai jamais été fan des Inrockuptibles ou de Rock ‘n’ Folk.
J’ai toujours écouté beaucoup de Metal, du Thrash, du Death, les classiques du Heavy Metal traditionnel, du Stoner, du Sludge, du Hardcore, de la fusion, du grunge, du Tech Metal, avec souvent une grosse préférence pour les groupes un peu hybrides (Faith No More, Nine Inch Nails, Type O Negative, ministry, Kyuss, Only Living Witness, Coroner, Helmet…). Jeune, j’ai eu ma période Cure, Midnight Oil, Depeche Mode, Sex Pistols, etc., puis je suis passé à def leppard, iron maiden, black sabbath, metallica, thin lizzy. Mais c’est à travers l’écoute de Faith No More que je me suis véritablement ouvert et que j’ai découvert de fil en aiguille The Young Gods, killing joke, les red hot, Gang Of Four, Big Black, John Zorn, Jane’s Addiction, Hüsker Dü, Pavement, Rollins Band, etc. C’était aussi les débuts de la période grunge, propice à ce genre de découvertes. Les magazines Metal parlaient d’ailleurs de la plupart de ces groupes, tu y trouvais aussi bien Bon Jovi, bad brains et death que Sonic Youth et Helmet.
4- Olivier, tu es le rédac’ chef d’un magazine présentant un large panel de styles musicaux. N’est-ce pas parfois difficile de faire le tri entre les actualités de ces styles si différents ? Avez-vous parfois des discussions houleuses dans les choix éditoriaux entre les journalistes et toi ?
Non. Je ne suis pas un grand « calculateur ». Je ne cherche pas à garantir tel ou tel quota de groupes Metal ou electro par numéro, etc. Je me fiche de passer à côté de tel ou tel « groupe cool », de ne pas avoir parlé en premier de tel ou tel micro-mouvement qui va faire le buzz durant trois mois. Il y a tant de sorties, ça en devient dingue, impossible de tout suivre. Pas besoin de toute façon : comme les autres, je passe à côté de quantités de bons disques, mais j’en découvre aussi plein. Dans un numéro, je cherche juste à faire du 50/50 entre groupes établis et jeunes groupes, mais ce n’est pas toujours évident. J’aime alterner les « couvertures découvertes » (Warpaint, Marvin, Electric Electric, PVT, Cheveu, Aucan, Black Bananas, Health) et les couvertures avec groupes plus connus – toutes proportions gardées (Dinosaur Jr., Clutch, Alice In Chains, Portishead, Sonic Youth, Primus, Liars…) –, mais là non plus, ce n’est pas toujours possible…
À part récemment, au sujet d’une couverture Frustration, que deux journalistes souhaitaient ardemment, pas de discussions houleuses, non. De toute façon, la plupart de nos échanges se font e-mail, n’imaginez pas un bureau de rédaction hyper bruyant avec une dizaine de journalistes excités, car chacun travaille chez soi. Ça a ses avantages et ses inconvénients.
5- A un moment donné, des illustrateurs issus de l’underground comme Nagawika, Tanxxx ou Rica, ont officié dans les pages de new noise. Il y a aussi régulièrement de la place faite à des photographes. Comment penses-tu faire évoluer ce côté graphique Vous avez aussi un site internet http://www.noisemag.net/ . Tu sens ça comment toi la sempiternelle discussion de la mort du papier au profit du tout numérique?
On essaye désormais de publier un portfolio et une interview d’artiste graphique à chaque numéro. Histoire d’aérer le magazine et de rompre la monotonie des mises en pages minimalistes des interviews. En ce qui concerne le débat papier/numérique, je n’en pense rien à l’heure actuelle. La presse musicale se vend de moins en moins, mais il n’y a jamais eu autant de titres en kiosques. Les webzines et les blogs pullulent, mais à part une poignée de plus connus que les autres, qui lit le reste ? Les potes ? Les contacts facebook ? Si tu proposes à chacun de ces webzines de passer au papier, tu peux être sûr qu’aucun ne refusera. D’un autre côté, Pitchfork semble aujourd’hui plus puissant, prescripteur et influent que ne l’a jamais été aucun magazine rock américain ou anglais. Personnellement, j’attends le support numérique qui permettra le même confort de lecture qu’un magazine papier. Ça arrivera.
7- Avec new noise et son équipe de journalistes de choc, vous pouvez vous targuer de faire découvrir de nombreux groupes de qualité dans des registres très variés. Vous pouvez autant parler de gros noms référentiels comme napalm death, nick cave and the bad seeds, young gods, mastodon, et à côté de ça mettre en lumière des groupes très confidentiels. Ca ne fait pas fuir les annonceurs ce côté parfois trop proche de l’underground? Mais je pense que vous vous posez la question en termes qualitatifs bien plutôt qu’en termes quantitatifs dès lors qu’il s’agit de parler de musique… Quels sont les points positifs et négatifs de votre démarche?
En tout cas, nous ne sommes pas des « défenseurs de l’underground », nous ne sommes pas là pour « aider les petits groupes ». Enfin, je parle surtout pour moi. Je suis là pour parler des artistes que j’aime, pour faire découvrir, que ce soit le dernier Nick Cave ou le premier album de Jessica 93. En ce qui concerne les annonceurs musique, on bosse au final toujours un peu avec les mêmes. Donc s’ils sont présents, c’est que notre ligne éditoriale leur correspond. Une régie nous dégote quelques pubs hors-musiques, fort heureusement. Peut-être que si nous mettions en couverture Lana Del Rey, Woodkid ou Muse, nous aurions quelques pubs de marques de fringues en plus, mais je n’en suis même pas certain.
8- Parlons peu mais parlons bien. Et l’avenir dans tout ça?
Pas de gros changements prévus, pour l’instant nous avons trouvé un équilibre, financier et fonctionnel, on ne va donc pas prendre de risques pour l’instant. Juste continuer dans notre coin, modestement, tant que ce sera possible.
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